http://www.classmates.com/directory/public/memberprofile/list.htm?regId=8692739621Judo International: Voix du Japon par Gotaro Ogawa

CHAMPIONNATS DU MONDE A TOKYO VUS SOUS L’ANGLE DE L’ORIGINAL DU JUDO Septembre, 2010 Gotaro OGAWA

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Les Championnats du monde qui ont eu lieu à Tokyo du 9 au 13 septembre se sont terminés avec des résultats et des événements divers fort intéressants. Je voudrais tout d’abord rendre hommage aux organisateurs et administrateurs pour avoir pu clôturer sans problème majeur, ce grand évènement auquel ont participé plus de huit cents judokas.
Les Japonais se montrent aujourd'hui globalement satisfaits du fait de bonnes performances de leurs compatriotes non seulement féminines mais surtout masculins. Quelques éléments sans doute ont contribué au triomphe japonais : présence de supporteurs locaux, participation de deux combattants dans chaque catégorie, ce qui a permis aux Japonais de faire participer quelques jeunes combattants encore pas connus sur la scène internationale, etc. Ainsi, Monsieur Kazuo YOSHIMURA, le head coach, se montre plutot prudent quant aux pronostics pour l’avenir. En tout cas, nous espérons que la tendance créée par ce bon résultat va se poursuivre pour le Japon à travers Paris(2011) et vers Londres (2112).
Au delà du nombre de médailles et des aspects techniques, après être allé voir les championnats tous les jours et avoir eu des conversations avec des experts du judo étrangers, j’aimerais faire part de mes sentiments sur ce que le judo devrait être.

Le judo qui « respecte la courtoisie et vise à effectuer un bon kumite pour gagner Ippon », est-il en train de réapparaître?

Dans son message d’ouverture, Monsieur Haruki UEMURA, se référant à la 150eme anniversaire de la naissance du Maître Jigoro KANO, a souligné que les championnats seraient l’occasion de retourner au point original du judo, et de pratiquer « le judo qui respecte la courtoisie et qui cherche à obtenir Ippon par la bonne et correcte saisie( kumite ) et par l’ application de techniques rationnelles » . Il est bon que le chef du judo nippon répète ces derniers temps l’importance du « judo qui respecte la courtoisie et vise à obtenir une bonne saisie et gagner par Ippon ». Il est souhaitable qu’il continue à insister sur ce point capital, mais il faudrait aussi que le Japon prenne des mesures au niveau international pour que ces éléments originaux du judo soient respectés et pratiqués dans le monde.
Dans quelle mesure, alors, l’intention de M. UEMURA se trouve-t-elle suivie d'effet? A mon avis, l’objectif de respecter la courtoisie n’a pas été atteint, malgré les efforts de quelques arbitres d’inciter les combattants à montrer une bonne conduite. Pas mal de combattants victorieux, y compris des Japonais, font des gestes triomphants devant les vaincus. Le pire est qu’après le match, certains gagnants ou perdants demeurent allongés assez longuement, même si l’arbitre leur exhorte de se mette debout. C’est une scène désagréable. Il est désirable que la FIJ et les fédérations nationales renforcent l’éducation des combattants à cet égard.
En ce qui concerne le kumite correct, on aperçoit une nette amélioration à la suite du changement de règles récent. En effet, pas mal de mes interlocuteurs estiment que la posture debout des combattants s’est bien améliorée. Mais, je voyais encore des bagarres de kumite qui durent assez longuement. Il faudra donc faire quelque chose, de sorte que les deux adversaires parviennent à se saisir sans tarder.
Pour obtenir Ippon, il est naturellement nécessaire d’avoir une volonté très forte. Une forte volonté combative donne sur Ippon. Kaori Matsumoto, la championne japonaise en 57kg, a montré cet esprit combatif exceptionnel. Ses yeux semblables à ceux d’une panthère qui guette la proie démontraient une volonté de ne jamais relâcher dès qu’elle l’attrape de ses mains. Cet état d'esprit est fort admirable. Je dirais que les garçons japonais gagneraient à s'en inspirer.
Le nombre de combats décidés par Ippon est en augmentation. C’est une bonne chose. Mais on a assisté à de nombreux cas d’Ippon qui furent très flous. Ce sont des jugements qui ne correspondent pas à la définition d’Ippon d’après la règle internationale. La plupart des observateurs japonais considèrent que c’est un problème. Il faudrait des efforts de remettre en ordre le jugement d’Ippon afin qu’il soit conforme à la définition internationale.

2. « Point original », « Authentique judo » et le problème d’arbitres

Ce qui m’a frappé le plus dans ces championnats, ce fut le problème de l'arbitrage. Je voudrais préciser quelques points.
D’abord, bien que ce ne soit pas un problème spécifique de ce tournoi de Tokyo, je considère toujours qu’il y a souvent des déclarations de « Mate » prématurées et de « Shido » trop fréquentes. Le « Mate » ou le « Shido » a ce mérite de stimuler le déroulement d'un combat trop passif, mais en même temps il interrompt le combat. Si il se déclare trop fréquemmnent, cela peut parfois faire obstacle aux actions de saisie solide du judogi ou à la préparation d’un mouvement d’enchainement visant à l’application de techniques. Il faudra donc un équilibre entre les deux exigences : la nécessité de stimuler les actions offensives et celle de Kumite solide. A mon avis, le « Mate » est souvent prématuré, surtout au sol. Il va de soi qu’au Newaza, il faut un peu de temps pour immobiliser l’adversaire : Le Tori devrait contrôler l’épaule ou le bras de l’Uke ou faire sortir sa jambe avant de procéder finalement à Osaekomi. Ces derniers temps on peut noter une tendance d’arbitres à accorder plus de temps pour ces actes de préparation au Newaza. Mais cela ne concerne pas tous les arbitres. A Tokyo j’ai observé des arbitres qui ont fait « Mate » alors que le Tori était juste au point de sortir sa jambe. Il y a de bons arbitres et il y en a de moins bons. Les critères de jugement au sol ne sont pas uniformes.
La décision du match par Koka est maintenant supprimé. Un seul Shido ne compte donc pas sur le résultat. Pourtant plus de deux Shido donne des points à l’adversaire, ce qui fait que, si l’arbitre lance le Mate assez fréquemment et donne des Shido il arrive qu’on désigne le vainqueur et le vaincu dans un match où il n’y a pratiquement pas de suprématie entre les deux combattants. Ceci n’est pas conforme aux principes d’arts martiaux. Les compétitions deviendront alors moins intéressantes. Il faudrait qu’on se mette d’accord au niveau international sur un emploi du « Mate » plus prudent.
La qualité des arbitres était un autre problème visible. J’ai assisté à quelques cas où on pouvait se demander si l’arbitre sur le tapis connaissait bien le judo. Il y a eu aussi des jugements visiblement erronés. D’ailleurs, on voyait des cas très fréquents où l’arbitre change d’avis dès que l’un des arbitres adjoints ou la siège du directeur d’arbitres se prononce différemment. Que devient dans ce cas le prestige des arbitres?
Dans le couloir du stade, j’ai rencontré Monsieur Barcos, directeur d’arbitrage de la FIJ et lui fait part de mes observations concernant le Mate prématuré, la qualité d’arbitres, etc. M. Barcos a accepté la plupart de mes arguments, mais il a expliqué qu’il n’était pas facile d’obtenir des arbitres bien qualifiés étant entendu que ceux-ci doivent se recruter parmi les arbitres présentés par les cinq continents qui font parti de la Fédération mondiale. Je lui ai proposé que la Fédération fasse des stages intensifs. Il a alors évoqué le problème du budget. J’espère que la FIJ fera des efforts accrus pour que le niveau qualitatif des arbitres internationaux soit plus uniforme et plus élevé.
En ce qui concerne le rôle de M.Barcos, il donne des instructions aux arbitres à partir du siège de la FIJ à côté des aires de combat. On constate que les arbitres sur le tapis se sont souvent tournés vers lui, semblent-t-il, pour chercher son jugement. Certains pensent qu’il s’agit d'une dépendance excessive sur M. Barcos. D’autres considèrent qu’il est bon que le directeur d’arbitrage présente son opinion basée sur les images de vidéo( le vidéo est toujours sur la table de M. Barcos ). Quoi qu’il en soit, les championnats de Tokyo ont montré le manque de compétence de certains arbitres. Un stage approfondi d’arbitres s’avère nécessaire.
Enfin, j’ai été réconforté de voir quelques arbitres tenter de conseiller aux combattants de respecter la courtoisie qui leur manquait. Il est bon que les arbitres prennent conscience de cet élément essentiel du judo. C’est important pour réaliser un judo authentique.

3. Le poids de Newaza

Le nombre d’Ippon par Newaza n’était pas élevé à Tokyo, comme c’est le cas dans la plupart de compétitions internationales. A mon avis, cela est dû, d’une part, au Mate trop fréquent et prématuré, prononcé lorsque les adversaires sont au sol. Il se peut aussi que, généralement, le poids de Newaza dans l’entraînement quotidien ne soit pas élevé.
Newaza est très important dans la mesure où le degré de son perfectionnement joue un rôle déterminant dans des combats serrés. C’est le cas, par exemple, d’Akimoto, champion japonais dans la catégorie 73kg, ou de Matsumoto, championne japonaise en 57kg, qui, l’un et l’autre, ont su à renverser l’adversaire aplati sur le ventre pour l’emmener au combat au sol et ensuite l’immobiliser. Tous deux ont démontré l'efficacité obtenue par un entraînement quotidien assidu. Dans l’ensemble, j’ai l’impression que les japonaises sont bien entraînées au sol.
Newaza devrait obtenir un peu plus d’importance dans les competitions. Pour ce faire, il faudrait donc modifier quelque peu les règles et la pensée des arbitres.

4. Qu'ont pensé mes interlocuteurs étrangers ?

J’ai profité de cette occasion pour avoir des échanges de vues avec quelques commissaires de fédérations nationales ou internationales et des journalistes présents au stade. Ils sont généralement d’accord pour dire qu’à la suite du changement de règles consistant à interdire l’attaque directe au dessous de la ceinture, la posture de combattants s’est bien améliorée. J’ai l’impression qu’il existe un sentiment commun chez les judokas de divers pays sur l’importance de chercher un judo qui commence par une saisie solide et finisse par Ippon.
Sur les points discutés plus haut, peut-être la question de la courtoisie ne semble pas intéresser tout le monde. Pourtant, mes interlocuteurs pensent que c’est un élément très important au judo. Il y a aussi un accord général sur mon avis concernant la qualité des arbitres et le Mate prématuré. En ce qui concerne le Newaza, ils aimeraient plutôt lui voir occuper une part accrue dans les compétitions aussi bien qu’à l'entraînement.
De façon générale, les judokas, parmi lesquels les Français notamment, partagent une conscience claire de la nécessité de réaliser un judo authentique, c’est à dire qu’il faut réaliser un judo basé sur les principes originaux tels qu’ils ont été énoncés par le fondateur du judo Jigoro KANO. Or je sens qu’il y a un espoir pour que les Japonais prennent l’initiative dans cette entreprise, mais en même temps il existe un sentiment de déception parce que les Japonais ne s’y engagent pas. Après les conversations avec eux, je suis convaincu une fois de plus que les Japonais devraient jouer un rôle plus important dans cette voie de restaurer ce judo « original » en coopération avec des gens de même esprit.)