http://www.classmates.com/directory/public/memberprofile/list.htm?regId=8692739621Judo International: Voix du Japon par Gotaro Ogawa

Nouvelles règles de la FIJ: quelques points d’interrogation

 

La FIJ a publié les nouvelles règles qui doivent être appliquées, à titre expérimental, d’ici jusqu’aux JO de Rio. Les Japonais s’y intéressent naturellement. Après consultations avec mes amis judokas japonais, je voudrais exprimer mes réflexions préliminaires. Ces points de vue reflètent l’avis de certains experts japonais mais elles sont fondamentalement mes pensées personnelles.  ( Gotaro Ogawa, le 5 février, 2013 )

 

1. Un changement incomplet
Tout d’abord, il me paraît que les changements proposés sont assez laconiques et ne s’adressent pas au grand éventail de problèmes que pose le judo d’aujourd’hui. Je dirais qu’il y a des éléments positifs dans les propositions, mais je me demande si ces changements suffisent pour réaliser « un judo beaucoup plus spectaculaire et attractif» comme le dit M. Viser. De ce point de vue, il y a d’autres sujets importants à réfléchir.

2. Débats plus répandus et démocratiques
 Jusqu’ici, j’ai nourri un doute sur les méthodes de décision de la FIJ portant sur des questions importantes qui touchent les fédérations nationales, les arbitres, les combattants, entraîneurs. Les explications qu’elle a fournies sur le récent changement parle de la « longue procédure » qui a abouti à ces propositions. Toutefois il ne m’apparaît pas que les personnes intéressées soient suffisamment consultées. La FIJ a adopté depuis quelques années un système très efficace de prise de décision et d’application rapide de celles-ci autour du puissant Comité exécutif. Or les personnes les plus concernées tels que les combattants, les entraîneurs, etc., n’ont pas été suffisamment interrogés sur les changements à tenir et se sont trouvés alors dans l’obligation d’en accepter l’application immédiate. J’ai entendu, à de nombreuses occasions, des plaintes de ces personnes ici au Japon et ailleurs. Un débat plus large et démocratique serait nécessaire même au risque de prendre du temps. On pourrait par exemple organiser des colloques internationaux lors de grands tournois du judo avant de la mise en application de nouvelles régles.
  
3. Le système de compétitions internationales
 J’ai osé dire plus haut que les changements sont plutôt laconiques. J’aurais aimé voir les changements porter aussi sur le système de compétitions international actuel, le « circuit mondial » dans le terme de la FIJ. Beaucoup de combattants et entraîneurs souffrent du régime actuel qui se compose du sytème de classement et la fréquence trop pousée des tournois internatioaux. Pour eux il est extrêmement difficille d’organiser les entraînements sur un rythme approprié, mais aussi de se soigner en cas de blessure. Je ne sais pas si le Comité d’athlètes a bien écouté leurs voix. Il y a encore marge de réflexion pour que le sytème ne pèse pas trôp sur les combattants.
 
4. Réduction du nombre de catégories de poids
Pour que le judo soit plus « spectaculaire et attractif », je suis partisan de la réduction du nombre de catégories de poids. En même temps je suis assez réaliste : je ne propose pas de les réduire totalement, mais voudrais préconiser l’élargissement de la marge du poids de chaque catégorie, par exemple, à 20~25kg. La pratique au Japon de « toutes catégories » montre bien que c’est possible que le petit peut vaincre le grand. Au sumo japonais on voit même un champion de 133kg vaincre aisemment un adversaire de 212kg ! L’élargissement de la marge de poids conduirait certainement à développer des techniques contre des lourds et rendrait le judo plus attractif. Ce sujet mérite d’être discuté. 
 
5. L’importance du kumikata et du shido
 A Londres, les spectateurs ont trouvé le judo peu intéressant avec beaucoup de shido et de décisions aux drapeaux. La FIJ a fait des modifications afin de rendre le judo plus attractif. Je vois quelques améliorations en ce sens, par exemple, réévaluation de la valeur du Ippon, suppression de décisions aux drapeaux et augmentation à trois shido qui ne donne pas point à l’adversaire. Il va de soi que le kumikata est un élément capital pour réaliser un beau judo. La règlementaion de faire se saisir solidement aux adversaires est donc une bonne chose. Toutefois il y a encore lieu d’explorer davantage les diverses idées pour obtenir des saisies solides. Je voudrais dire dans ce contexte aussi que c’est la performance de l’arbitre qui est primordiale. Si l’arbitre donne shido  prématurément afin d’inciter les combattants à se saisir, cela peut produire l’effet inverse. En effet, la déclaration trop fréquente de shido précipite les deux adversaires à se saisir, mais finit par des saisies lâches. Il faudrait accorder un temps approprié pour faire se saisir solidement.
  
6. L’arbitrage/Jury
 Je rends hommage aux efforts pour la modification de règles d’arbitrage en considération de ce qui s’est passé à Londres. L’idée de réduire la compétence du jury va dans une bonne direction et correspond au sentiment de la plupart des judokas et spectateurs du monde. Pourtant, la nouvelle règlementation laisse une ambiguïté importante et risque toujours d’admettre une intervention excessive de la part du jury. L’explication officielle parle du cas de nécessité dans lequel intervient le jury. Qui juge le cas de nécessité dit exceptionnel ? Ce sera évidemment le jury. Une définition plus claire serait nécessaire.

7. La durée d’Osaë-komi
 La durée d’Osaë-komi va être réduite. Ceci permettera de gagner des points au sol plus facilement. L’argument avancé est que cette nouvelle règle incitera les judokas à s’engager davantage au newaza. Mais je vois un autre aspect. Je pense que le changement aura pour résultat une réduction de la valeur de l’Osaë-komi. Ce qui va dans le contresens de la réévaluation du Ippon. Si un Osaë-komi lâche peut faire gagner des points, cela peut affaiblir les efforts des judokas pour chercher les techniques solides et approfondies pour immobiliser et pour en sortir. Je ne vois pas clairement le but de ce changement.

8. Le salut
La nouvelle modification est un pas en avant vers une meilleure courtoisie mais il manque un élélment important. C’est la courtoisie après le combat. Ce qui manque aujourd’hui dans des compétitions, c’est plutôt la performance de dignité après les combats. Les vainqueurs font des gestes excessives, les vaincus souvent se mettent sur le dos pendant assez longtemps et ne se lèvent même pas à l’incitation de l’arbitre. Le manque de respect aux autres, c’est désagréable à voir. Or la nouvelle règle est réticente là-dessus.