http://www.classmates.com/directory/public/memberprofile/list.htm?regId=8692739621Judo International: Voix du Japon par Gotaro Ogawa

 «Je changerai ce qu’il faut, mais défendrai ce qu’il ne faut pas changer »
(I nterview avec le nouveau président japonais de la FJJ : Shoji Muneoka)

 

  muneoka     muneogawa                   

Le 21 août Monsieur Shoji Muneoka a pris ses fonctions au poste de Président de la Fédération japonaise de judo succédant ainsi à Monsieur Haruki Uemura. Celui-ci demeure au poste du Président du Kodokan. Le nouveau président m’a accordé un interview et a exprimé son affection pour le judo et son intention de faire des réformes de l’ organisation. M. Muneoka est actuellement PDG d’une grande entreprise sidérurgique de taille mondiale Nippon Steel & Sumitomo Metal. Il est aussi un ancien judoka.
(P ropos recueillis le 1er novembre par Gotaro Ogawa. )

Mon lien avec le judo.
Ogawa : Merci beaucoup d e partager du temps avec moi, alors que tu es bien chargé. Je me souviens toujours bien des jours anciens, où nous nous entraînions au Judo Club de l’Université de Tokyo il y a quelques 45 ans ! On a beaucoup travaillé au sol. Tu m’emmenais au sol, dos au tapis, je m’efforçais désespérément de t’attaquer au dela de tes jambes. Elles étaient plus longues et tes cuisses plus grossses que celles des autres, je me battais mais entretemps tu m’étranglais avec tes cuisses et tes jambes. Ton mae-sankaku était très efficace. Ça serrait bien mon cou. Pourtant tu étais un nouvel élève.
Muneoka: Je ne me souviens pas du tout d’avoir fait des choses comme ça à l’égard de mon senpaï vénéré (rire) !
Ogawa : Eh bien ! Tu étais fort parce que tu avais commencé le judo depuis ton enfance.
C’est normale que tu es devenu capitaine du club ultérieurement.
Muneoka : Mon père était septième dan. Il m’a dit de faire du judo dès l’école prim aire. Je ne me suis jamais absenté de l’entraînement durant l’époque du lycée et de l’université sauf quand j’étais bléssé ou hospitalisé. Les entraînements étaient toujours très durs mais j’y ai mis du mien et épuisé toute mon énergie de mon bel âge. J’ai arrêté le judo après l’université.
Ogawa: Tu as bien fait de te jetter dans les flammes du cercle de judo japonais, ébranlé aujourd’hui. Je pense que ta passion de judo est toujours inchangée.
Muneoka: Moi j’ai été bien entraîné et formé par le judo. Je ne pouvais donc pas ne pas réagir alors que le prestige du judo était en passe de s’effondrer ici au Japon. Mon père m’avait appris qu’il ne fallait jamais esquiver un juste devoir. J’ai oscillé mais pensé à ne pas esquiver.  
Ogawa : On est très heureux du fait qu’un PDG d’une entreprise mondiale assume la présidence de la fédération, alors qu’elle a été très longtemps fermé à l’extérieur du monde du judo. On attend à ce que des réformes soient faites. Plus de deux mois se sont passés. Qu’en penses-tu ?
Muneoka : Il me paraît que le monde de judo japonais s’était renfermé et se trouvait écarté du sens commun social. Si je me permets de dire de manière impertinente, j’ aurais ignoré cette situation et n’aurais jamais pensé à la nécessité de faire des réforme, si moi, j’avais passé toutes mes années dans le monde de judo.
   
Sur la base des principes du Maître Kano ....
Ogawa : Tu as dit dans ta conférence de presse après nomination : « Sur la base des principes du Maître Kano, je changerai ce qu’il faut changer mais défendrai ce qu’i ne faut pas changer.» Peux-tu m’expliquer un peu plus concrètement ?
Muneoka : A cause des scandales récents, la fédération est beaucoup critiqué. Effectivement, il y a pas mal de problèmes à notre judo aujourd’hui, n’est-ce pas ? Je pense notamment au problème de non-observation des règlements et des codes moraux. C’est là qu’il faut réformer en premier lieu je pense. Il s’agit d’éliminer la violence dans l’entraînement, l’utilisation inappropriée des subventions et les conduites immorales. Ensuite, il faut s’atteler sans relache à corriger la situation du manque de discipline organisationnnelle. C’est un point important relevé il y a quelque temps par le Ministère du Gouvernement. Il faut rendre notre organisation transparente et responsable. Pour ce faire nous avons déjà renouvelé les membres du Conseil d’administration. Nous entamons maintenant une réorganisation du Conseil de gestion qui consiste à réduire de motié la soixantaine des membres actuels et à changer aussi sa compostion.
Ogawa : J’ai entendu dire qu’au Conseil d’administation d’il y a quelques jours, les débats étaient bien animés avec de  nouveaux membres. La réforme du Conseil de gestion serait-elle possible aussi ?
Muneoka : Il y a des arguments sur l’introduction de mise à la retraite à l’âge de 70 ans ou sur la réduction de moitié du nombre de membres du conseil.. Mais, on ne peut pas laisser tomber ce que nous avions promis de réaliser au Ministère à la fin du mois d’août. En tout cas, un conseil de gestion avec soixantaine de membres ne pourra jamais fonctionner de manière rapide. Au Nippon Steel et Sumitomo Metal dont je suis PDG, on ne compte qu’une douzaine de membres. Pour qu’on puisse correspondre rapidement, il faut se munir d’un mécanisme de décisions promptes. Il faut absolument changer là-dessus. Pour ce faire il faut changer aussi les statuts. Nous sommes dans l’obligation de réaliser des réformes et présenter un rapport au Ministère du gouvernement avant la fin d’année. J’ai demandé à M. Chikaishi (le gérant)
de faire au mieux.
 Le renforcement du personnel est également nécessaire pour mener à bien les réformes. Je voudrais faire appel aux personnalités extérieures pour qu’elles nous rejoignent aussi. Mais il faudra penser au frais de personnel.
Ogawa : Monsieur le Président, dis-moi ce sur quoi il faut se défendre.
Muneoka : Eh bien, c’est justement l’aspect éducationnnel du judo. Maître Jigoro Kano était un grand éducateur. Il a cherché à cultiver la plume et l’épée et a fondé le judo comme « voie ». En tissant l’esprit caractéristique du Japon « le bushido » dans le judo, il a créé une discipline dotée de l’intelligence et la dignité, ce qui distingue le judo d’autres arts martiaux. C’est précisément pour cet élément-là que le judo est apprécié et pratiqué partout dans le monde. C’est ça qu’il ne faut pas changer.
 Alors, comment le judo se présente au Japon? N’est-on pas en présence d’une tendance décade nte où l’objectif principal est de devenir fort ? Au judo il ne suffit pas d’être fort. La moralité est très importante. N’est-ce pas dans les compétitions ces dernières années on observe souvent des conduites qui manquent de dignité. Il est parfois désagréable de voir des entraîneurs et des professeurs de judo qui s’obstinent pour que leurs élèves ga gn ent et donnent ainsi des instructions et des grondements déshonorants. Parmi les combattants formés par ces entraîneurs, il y a ceux qui ga gnent et font des gestes extravagants de victoire ou ceux qui perdent et se mettent dos au tapis sans se lever. Ce sont des gestes hideux. « Gagner mais jamais être orgueilleux ». C’est une considération à l’égard du perdant
. C’est aussi une démonstration de modéstie. De plus, le combattant qui pleure devant le public après son combat important gagné ou perdu s’écarte de la voie du bushido qui préconise le maintien de la tranquilité à tout moment. Le judo est une discipline qui doit former à la spiritualité et la dignité . Ces derniers temps, cet élément manque. Au kendo par exemple, si l’un des deux adversaires gagne par ippon et ensuite fait un geste ostensible de victoire, alors cet ippon est annulé. Au rugby, celui qui marque un essai ne fait pas de geste ostensible, parce que, je pense, il s’agit des jeux de l’équipe. Peut-être est ce aussi une tradition anglaise de chevalerie ?
Ogawa: Tu as remarqué dans un interview d’un magazine, on préconise de revoir l’enseignement du judo de la jeunesse.
Mueoka : Je pense qu’il faudrait revoir la tendance d u judo à ga gner. Il est regrettable de voir la jeune génération s’écarter du judo. C’est bien dommage si l e charme du judo n’est pas propagé dans la société . Il faudrait pas mal de temps, mais je voudrais sincèrement que les jeunes apprennent le judo et ses aspects éducationnels. Alors, é largir la base populaire du judo c’est extrèmement important. J’ai entendu dire qu’en France la priorité n’est pas sur la compétition et que les enfants s’amusent au judo. Je voudrais savoir comment le  judo est enseigné à l’ étranger . Je m’intéresse aussi au système de formation d’entraîneurs.
      
Nous allons écouter la voix de combattants
Ogawa : La performance de nos combattants aux compétitions internationales ne sont pas bonne. Que penses-tu de la méthode d’entraînement à haut niveau ?
Muneoka: A l’heure actuelle, Monsieur Jin Saito et sa Commision d’entraîneurs, sont en train d’examiner la méthodologie en tenant compte des résultats jusqu’ici obtenus. Je consulte le Vice-Président Yamashita . Nous avons aussi de bons entraîneurs, tels que Kosei Inoue et d’autres. Afin d’améliorer les relations entre la direction et les combattants, nous avons créé une commision d’athlètes. Nous allons ainsi écouter leurs mécontentements et désirs pour améliorer la communication avec eux. Pour renforcer le niveau technique, on va coordonner les relations entre la Commision et l’affiliation d’origine dont font partis les combattants. Il est important aussi de rationaliser la méthode de notre entraînement.

La « diplomatie » au judo est nécessaire
Ogawa : Comment v ois-tu le judo pratiqué mondialement?
Muneoka : Je suis content de voir le judo être devenu une véritable discipline universelle. D’autre part, je m’inquiéte de voir s’ajouter des aspects tapageurs aux compétitions de judo. Ce n’est pas conforme à la dignité de judo dont j’ai parlé tout à l’heure. D e plus, il y a des points douteux concernant les changements de règles et l’arbitrage.
 Ceci dit, je comprends qu’on ne saurait pas rectifier des choses uniquement d’après les considérations japonaises. Je sais qu’il y a des traditions culturelles dans tous les pays qui ont introduit le judo. Il y a aussi des courants internationaux. Il faut qu’on tienne compte de ces éléments lorsqu’on considère le judo internationalisé. Autrement dit, il faut de la « diplomatie » dans les affaires internationales du judo. Moi je ne suis pas tout à fait au courant, mais il me paraît que, jusqu’ici, le Japon ne s’est pas engagé activement dans la gestion de judo international. Heureusement, il y a des personnalités compétentes et honorables au sien de la FIJ et de fédérations nationales et régionales, qui, tous, je crois, épousent la philosophie du Maître Jigoro Kano. Il serait donc important que le Japon, en tant que le pays d’orgine du judo, échange ses vues et coopère mutuellement avec ces personnalités pour que le judo soit meilleur. J’espère sincèrement établir de bonnes relations avec Monsieur Viser de la FIJ, où il n’y a plus de directeur japonais. C’est dans ces considérations que je t’ai demandé, à toi qui es un ancien diplomate , de devenir un conseiller spécial de la Fédération chargé des affaires internationales. Je voudrais que tu t’efforce s à coordonner et à coopérer avec la FIJ et avec les pays e t les pers onnalités internationales.
(NDLR : Ogawa est nommé depuis le 1er novembre Conseiller spécial chargé des affaires internationales.)

Les realations avec le Kodokan
Ogawa : Depuis des années il y a une controverse sur les relations entre la Fédération japonaise et le Kodokan. La question relative à l’octroi des Dan fait l’objet , entre autres, d’argu ments critiques. Depuis août dernier, les deux organisations sont gérés par deux peronnalités différentes. (NDLR : Jusqu’au mois d’août Monsieur Haruki Uemura cumulait les fonctions de président de deux institutions.)
Comment entends-tu faire sur c e p oint ?
Muneoka : Les relations sont très importantes. Mais je pense qu’il y a divers aspects et que la question est très compliquée. Il faudra du temps mais je vais rélféchir là-dessus tout en tenant compte d’avis des pers onnes concernées notamment Monsieur Uemura.