Judo International: Voix du Japon par Gotaro Ogawa

Ce que j’ai vu et pensé au tournoi de Paris Tokyo
Gotaro OGAWA(le 12 février, 2010 )

Je me suis rendu à Paris, début février, pour voir le Tournoi de Paris ( Grand Chelem). J’ai eu à cette occasion quelques conversations avec certain nombre de judokas y compris ceux qui font partie des cadres d’organisations nationales ou internationales de judo. En tenant compte aussi des opinions de ceux-ci, je voudrais exprimer ci-dessous mes vues et impressions personnelles en tant qu’observateur japonais et libre.

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Riner au Tournoi de Paris

1. Aspects généraux des compétitions et du management du tournoi

a) Je me suis aperçu, avec plaisir, de ce que, à la suite de changements récents de règles de compétition, il y a maintenant moins de matchs dans lesquels les deux adversaires se battent avec buste penché en avant, ou peinent longtemps avant de se saisir. Les combats gagnés par Ippon ont été assez nombreux. Tout cela semble indiquer que les nouvelles règles sont en train de produire les effets espérés. C’était aussi l’avis de la plupart des judokas internationaux avec qui j’ai parlé. Le nombre de blessure, disait-on, est en diminution, ce qui me semble vrai.
Cependant, je considère qu’il y a encore matière à réfléchir concernant la façon dont on peut, à travers les règles ou grâce aux instructions de l’arbitre, inciter les deux combattants à se saisir encore plus rapidement.
b) J’ai eu l’impression que dans les compétions féminines il y avait plus d’Ippon par Newaza, obtenus surtout par des japonaises. Ceci peut vouloir dire qu’elles se sont bien entraînées au liaison debout-sol.
c) Il y n’avait pas beaucoup de décision par drapeaux, ce qui est plutôt une bonne chose. Pourtant, il y a eu comme toujours des cas où la décision était très délicate, et paraissant forcément un peu litigieuse.
d) Les compétitions se sont déroulées en bon ordre et rapidement : il faut louer les efforts d'organisation de la Fédération française.
e) Est-ce l’une des caractéristiques du tournoi de Paris d’entendre les musiques fort bruyantes pendant les matchs (ce fut la première fois que j'assistai au tournoi de Paris)? On entendait même des bruits agaçants projetés par les haut-parleurs.
Un judoka ami français m’a expliqué que les Français aimaient bien ces musiques car elles échauffent l’ambiance. D’autres disaient qu’ils n’aimaient pas du tout, et déploraient le manque de respect témoigné ainsi aux combattants.
L’ encouragement à haut-parleur officiel était souvent en faveur des combattants français. Ce qui est peut-être naturel parce qu'on est à Paris. Mais est-ce un comportement responsable pour l’organisateur d'un tournoi international ?

2. Sujets relatifs à l’arbitrage

a) Il y eut des cas nombreux où le jugement de l’Ippon fut très flou, la déclaration de Ippon étant faite sur une prise qui a fait lentement tomber l’adversaire sur le dos à partir d’une position basse. Certains autres arbitres n’ont pas donné, à raison à mon sens, Ippon sur de telles prises. Il faudrait que la Fédération internationale discute sur les critères de l’Ippon et fasse de sorte que tous les arbitres jugent selon les mêmes critères.
b) A mon avis (la plupart des Japonais, ainsi que quelques Français, pensent ainsi ), il y a toujours beaucoup de déclarations de Mate prématurées pendant les combats au sol, ce qui coupe indûment le processus de Newaza. Au tournoi de Paris, cependant, j’ai noté une amélioration en ce sens : certains arbitres, par exemple, laissaient les adversaires continuer au sol pendant une douzaine de secondes lorsque celui qui tente d’entrer à l’Osaekomi essaye de dégager son pied des jambes de son adversaire. En effet quelques participantes japonaises qui ont obtenu Ippon au sol m’ont dit qu’il y a eu une nette amélioration en ce sens. Il en reste que d’autres arbitres déclarent Mate tout de suite et relèvent les deux combattants. Là aussi, la Fédération internationale est priée de faire en sorte que les arbitres jugent de façon uniforme.

3. Sujets relatifs aux règles de compétition

a) Bien qu’il y ait une satisfaction générale sur les nouvelles règles de compétition, j’ai l’impression que le changement de règles a été mis à exécution de façon trop hâtive ( des compétiteurs sont perturbés par les changements très rapides ) et avec peu de transparence ( on peut se demander par qui et dans quel comité les décisions ont été prises ). Dans mes conversations avec des judokas français et japonais, mon avis était partagé.
b) Sur ce point-là, il y a un consensus sur l’importance de la stabilité de règles, c’est-à- dire que les règles ne devraient pas être changées trop fréquemment. Cependant, comme le changement récent a produit un effet positif et que ces nouvelles règles ne seront pas changées jusqu’aux Jeux olympiques de Londres, cela peut aller ainsi.
c) Une des nouvelles règles est d’interdire l’attaque directe de la jambe de l’adversaire, sous peine de disqualification. Le tournoi de Paris a vu quelques applications de cette règle implacable. En regardant un combat où celui qui a pris la jambe a été tout de suite disqualifié, je me suis senti mal à l’aise. Bien que cette nouvelle règle ait le mérite d’améliorer le contenu de compétition, je pense d’autre part que ce geste de prendre la jambe ne devrait pas être traité comme un acte qui donne à son adversaire la même valeur que la victoire par Ippon. D’ailleurs beaucoup de judokas ici au Japon considèrent que cette nouvelle règle rend difficile d’appliquer Kataguruma, qui est une des techniques de base importante faisant partie de Nagenokata. Un judoka français regardant les matchs au tournoi m’a dit qu’il serait approprié de donner un, voire deux Shido à l’attaque directe à la jambe. Je suis d’accord avec lui.
d) Je pense toujours qu’il n’est pas bon que l’arbitre arrête le combat souvent par le Mate et donne Shido. Deux ou trois Shido peuvent désigner un vainqueur dans un match où il n’existe pas de différence réelle entre les deux joueurs. On a observé de tels cas au tournoi de Paris. Si ce genre de décision est trop fréquente, les compétitions risquent de devenir ennuyeuses et aussi de s’écarter de ce qu’est le judo. Comme la stabilité de règles est importante, il ne s’agit pas de changer les règles à nouveau. Mais j’espère que la FIJ pensera à réexaminer ce point-là.

4. Sujet relatif à la courtoisie

a) A Paris-Bercy, j’ai été réconforté de voir que des arbitres conseillaient souvent les combattants ou les incitaient à respecter la courtoisie. Cela doit être une instruction de la part de la direction de la Fédération internationale et je m’en félicite. Mme Amano, une arbitre japonaise, a été bien marquée pour cela.
b) Ceci dit, il y avait des combattants qui n’ont pas suivi tout de suite l’incitation de l’arbitre de se mettre debout et se redresser correctement pour saluer. Parmi des participants japonais masculins, certains faisaient des gestes de victoire avec ostentation. Les japonais doivent être des exemples de courtoisie. Une éducation plus stricte en ce sens est nécessaire au Japon.

5. Quelques d’autres remarques

a) J’ai senti, à travers les conversations que j’ai eues avec quelques judokas au Palais Omnisports de Bercy, un certain mécontentement à propos de la manière quelque peu autoritaire de gestion des affaires du judo au sein de la fédération mondiale en ce qui concerne l’organisation et le management des compétitions et des tournois.
b) Comme je m’y attendais, j’ai constaté que pas mal de judokas aimeraient que les Japonais s’exprime plus précisément sur les diverses questions qui concernent le judo. De ce point de vue, ils s’intéressent à la situation de la Fédération japonaise et aux opinions des dirigeants de celle-ci. Certains d’entre eux espérerait que le Japon participe plus activement. J'essayerai d'y travailler.